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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/194

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profond de ses abîmes. Sur des roches et sur des couches superposées, M. Cuvier trouvait la preuve de l’apparition récente de l’espèce humaine sur ce globe et l’éclatante attestation des révolutions qui l’ont bouleversé. Les sciences semblaient donc concorder pour frayer à l’esprit humain des voies nouvelles. Le siècle précédent, avait porté dans ses nombreux travaux des idées préconçues qu’expliquaient ses observations incomplètes et ses passions implacables ; le dix-neuvième sut profiter de la liberté d’esprit que lui laissait, à ses débuts, une incrédulité à peu près générale ; et, lorsqu’il eut substitué aux théories une loyale et rigoureuse analyse, il retrouva debout devant lui les traditions immortelles avec lesquelles la science n’a pas moins à compter que la foi. Aucun témoignage, Messieurs, ne profite aux grandes causes autant que ceux qu’elles n’ont point évoqués et que leur envoie la Providence. M. Biot fut un témoin assigné par elle.

Je dois à sa mémoire d’exposer, d’après des renseignements certains, les phases que parcourut sa pensée avant de se reposer dans les croyances qu’il servait alors sans les partager, et qui lui rendirent la mort lumineuse et douce. Sceptique en religion, comme la génération au sein de laquelle il était né, il s’était constamment défendu des grandes erreurs qui font parfois descendre au-dessous du bon sens le génie qui s’égare en s’enivrant de lui-même. Pour M. Biot, comme pour Newton son maître, Dieu avait toujours resplendi dans ses œuvres : ses écrits en fourniraient des preuves surabondantes. Il y déverse fréquemment sans doute, à l’exemple de Buffon, l’ironie et le dédain sur les demi-savants qui, voulant tout expliquer dans la nature par d’ingénieuses subtilités, invoquent la providence à l’occasion