Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/200

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rains, œuvre excellente, dans laquelle il juge les périlleux événements traversés par l’un et par l’autre avec une liberté exempte d’amertume, et glorifie en termes si élevés cette union des sciences et des lettres dont il avait été lui-même la plus heureuse personnification.

Depuis le jour où il vous appartint, il vous paya la dette de sa reconnaissance avec la régularité persévérante qui avait signalé sa longue carrière scientifique. Dans ces débats où l’intimité des relations n’enlève rien à la liberté de la pensée, ses vues concordaient toujours avec les vôtres ; il s’associait à toutes vos espérances comme à toutes vos craintes sur l’avenir des lettres françaises. Un demi-siècle s’était écoulé depuis que, dans l’enthousiasme de sa jeunesse pour la précision mathématique, il avait une fois tenté d’appliquer la méthode scientifique aux diverses manifestations de la pensée humaine. Dans un travail fort remarqué, publié en 1809 par le Nouveau Mercure de France, sur l’influence des idées exactes dans les ouvrages littéraires[1], l’auteur avait semblé vouloir promulguer une poétique dans laquelle perçait un peu trop le mathématicien, malgré la sûreté habituelle de sa critique et de son goût. Dans ce système, Homère et Virgile n’auraient été les premiers des peintres que parce qu’ils furent les plus exacts des observateurs, et probablement aussi, pour leur époque, les plus instruits des naturalistes[1] : doctrine fort piquante, sans doute, mais qui pouvait conduire à remplacer l’Hélicon par le Jardin des plantes et l’Hippocrène par un aquarium. Aussi, sans répudier jamais

  1. Voy. Mélanges scientifiques et littéraires, t. II.