Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/206

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Il y a heureusement de fort belles places au-dessous de ces grandes renommées, et celle que vous vous êtes faite était assez élevée pour attirer sur vous les regards de l’Académie. Comme publiciste, vous avez pendant trente ans et par des travaux incessants contribué au succès de la plus heureuse de nos revues. Comme historien, vous avez marché avec honneur dans les voies de Plutarque, en choisissant dans nos riches annales quelques-uns des grands hommes qui les ont illustrées. Comme mandataire de vos concitoyens, vous n’avez eu que l’ambition d’être utile à votre pays par les conseils d’une raison éclairée, par les avertissements de votre expérience ; et la part que vous avez prise aux luttes de la tribune vous a fait remarquer à côté des grands orateurs que vous venez retrouver dans une atmosphère plus paisible.

Dans vos écrits comme dans vos discours, il n’est pas un événement contemporain que vous n’ayez jugé ; il n’est pas un danger que vous n’ayez signalé, pas un principe funeste que vous n’ayez combattu, pas une question que vous n’ayez essayé de résoudre. Il en est malheureusement de bien brûlantes que personne n’a encore résolues. Nous les avons soulevées il y a bientôt quatre-vingts ans, et nul n’oserait prévoir l’époque où elles cesseront d’agiter le monde. On les a endormies au bruit des victoires, on les a adoucies par des concessions, on les a même comprimées en les flattant. L’état actuel de l’Europe nous fait voir qu’elles se manifestent à la manière des volcans au moment où l’on y pense le moins, et ce sphinx des temps modernes est bien autrement redoutable que celui de l’antiquité. Celui-là ne dévorait que des hommes, celui-ci dévore des dynasties et des peuples.