Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/213

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main armée des gouvernements et des pensions. Vous êtes plus indulgent pour l’Église, vous parlez de ses fautes, mais avec les ménagements d’un fils qui respecte sa mère jusque dans ses erreurs. Vous regrettez enfin que ces trois puissances n’aient jamais su s’arrêter d’elles-mêmes dans leur marche ascendante. Mais vous exigez trop de l’humanité. Dans quel temps, dans quel pays les partis, les sectes, les opinions, les pouvoirs religieux et politiques ont-ils montré cet esprit de modération et de sagesse ? Vos regrets n’en sont pas moins partagés par les bons esprits. Depuis la triste expérience de 93 nous avons tous horreur des extrêmes ; mais à quel point s’arrêter ? c’est là le difficile. Tous les gouvernements l’ont cherché. Disons le mot vrai, chacun s’est fait un juste milieu à sa guise ; et ceux qui tâtonnent encore devraient avoir quelque indulgence pour ceux qui ont échoué.

Vous aviez aussi le vôtre, Monsieur, et le dépit de vos mécomptes vous a rendu injuste même envers Louis XIV. Son administration, sa vie privée, sa grandeur ont été soumises par vous à l’examen le plus rigoureux, et sa mémoire n’a pas à se louer de vos jugements. Permettez-moi encore une fois de ne pas être de votre avis. Je respecte le vôtre, pardonnez-moi le mien. Rien ne serait plus ennuyeux qu’un pays où tout le monde serait d’accord ; et à cet égard nous ne sommes pas près de nous ennuyer en France. Je vous dirai donc que j’ai un faible pour Louis XIV. Je crois qu’il a eu une grandeur réelle ; et vous sentez quelle a dû être ma surprise de vous voir affirmer qu’il avait dû toute sa gloire aux hommes que lui avait légués son père, tandis que ceux qu’avait produits son règne n’avaient fait que le rapetisser et le compromettre. Sans doute les Turenne, les Condé, les Duquesne qui l’ont