Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/222

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vous avez si bien développée. Mais l’Académie, dont je suis l’organe, lui devait un dernier hommage. Vous ne pouviez point parler de son assiduité à nos séances, de l’attention qu’il prétait à nos débats littéraires, des lumières qu’il y répandait. C’est que ce savant illustre était doué du goût le plus pur et le plus sévère. Aussi passionné pour les lettres que pour les sciences, les chefs-d’œuvre des Grecs et des latins lui étaient aussi familiers que ceux de notre grand siècle. Il pensait, comme Lagrange, que l’étude des mathématiques devait être précédée, préparée même par la connaissance profonde des lettres anciennes et modernes. Certes, ce n’est ni Biot ni Lagrange qui aurait inventé cette mesure désastreuse qui tranchait l’éducation littéraire à moitié de son cours.

Dans un écrit qui date déjà de cinquante-quatre ans, dans le préambule de la piquante critique qu’il faisait du style de nos deux célèbres coloristes, il a déposé les doctrines qu’il n’a jamais reniées. Il pensait alors ce que pensaient tous les hommes de goût et d’étude, ce qu’on avait pensé pendant deux siècles, avant qu’une coterie d’esprits blasés vînt protester contre le témoignage de dix générations, et demander à la fantaisie les génies et les chefs-d’œuvre que nous attendons encore. Les écrivains let les poëtes du dix-septième siècle étaient à ses yeux les types du vrai et du beau, les modèles dont il ne fallait jamais s’écarter. Il prédisait avec douleur que l’impérieux, l’insatiable besoin de la nouveauté jetterait bientôt les esprits dans mille routes inconnues qui les égareraient, que l’enflure serait prise pour le sublime, la manière pour la grâce, la niaiserie pour la naïveté, les écarts de l’imagination pour les hardiesses du génie, et son indi-