Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/256

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chaire de Saint-Sulpice, il songeait peut-être à ceux qu’il avait obtenus lui-même dans des enceintes plus orageuses ; il semble surtout se complaire au souvenir du mouvement religieux qui, dans les premières années du siècle, rendit la société française au culte de ses pères, et contribua plus que toute autre chose à lui faire oublier à lui-même les désordres de la révolution, et à le rattacher au monde nouveau qu’elle avait enfanté.

Je viens de suivre, dans ses traits principaux, la vie publique de mon illustre prédécesseur. Il a écrit plusieurs volumes de Mémoires qui en racontent les époques les plus laborieuses. Ces Mémoires pourraient avoir pour épigraphe la pensée suivante de l’excellent écrivain que vous entendrez bientôt et qui me reçoit aujourd’hui parmi vous : « Quels récits pourraient jamais valoir ceux d’un témoin sincère et éclairé qui rapporte ce qu’il a entendu, ce qu’il a vu, quelquefois ce qu’il a fait ? » La sincérité du narrateur éclate à chaque ligne : il est si réservé pour ce qui le concerne, si tolérant pour ses adversaires, si impartial pour ses amis, qu’il est difficile de ne pas accorder à ce qu’il raconte une entière confiance. Ai-je besoin d’ajouter que, pour les périodes remplies par sa préfecture de police et ses deux ministères, on ne trouverait nulle part un exposé plus instructif des événements qui les ont signalées et des causes secrètes de ces événements ?

M. Pasquier a eu un mérite rare et difficile pour le temps où il a vécu. Les commotions politiques dont il a été le témoin étaient autant de batailles civiles qui laissaient après elles des vainqueurs et des vaincus, et toutes les passions qu’engendrent l’orgueil de la victoire ou la honte de la défaite. Il s’est dé-