Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/261

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à s’entourer de ses anciens collègues de la Chambre des pairs et de vous, Messieurs, ses confrères, et vous pouvez dire avec quel empressement respectueux il était accepté par les uns pour leur président, par vous comme votre doyen vénéré. Une voix plus autorisée que la mienne vous rappellera bientôt les rapports si précieux que jusqu’au dernier moment il a entretenus avec vous.

L’intérêt qu’il prenait à toutes choses n’était pas une simple curiosité d’esprit ; au lieu de se refroidir avec l’âge, le cœur semblait prendre tous les jours chez lui une vivacité nouvelle. Il avait perdu en 1844 la compagne de sa vie errante, de sa captivité et de ses grandeurs ; elle ne lui avait pas donné d’enfants ; les amis de ses premiers jours, ceux dont la société avait embelli sa vie au temps de sa plus grande activité politique, étaient successivement descendus dans la tombe ; il s’était donné un fils par l’adoption ; dans sa famille, parmi ceux qui l’approchaient, il s’était créé des amis nouveaux. Il se faisait un impérieux besoin de les voir ; il se prêtait avec une sensibilité empressée à tout ce qui les touchait. Dans ses dernières années, lorsqu’il ne pouvait plus sortir, s’ils étaient eux-mêmes retenus loin de lui par quelque souffrance ou quelque chagrin, il leur écrivait. Il compensait par une inquiétude que rien ne calmait les services qu’il ne pouvait plus leur rendre, les consolations qu’il ne pouvait plus leur porter.

Ainsi s’est continuée, malgré les fatigues de l’âge, cette existence morale si active, si animée. Le Chancelier n’y voyait plus, il entendait difficilement, ses jambes affaiblies soutenaient à peine son corps amaigri ; son esprit et son cœur vivaient toujours. Le 5 juillet 1862, à neuf heures du soir, il