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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/260

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l’honneur de cette grande compagnie, ne croyez pas que le garde des sceaux de 1815 et de 1818 soit indifférent pour la magistrature actuelle. Je ne blesserai, ce me semble, aucune convenance si je rappelle son opinion sur un décret qui est aujourd’hui en vigueur et qui ne s’en exécutera pas moins. Lorsque parut le décret de 1852 qui fixe des limites à l’âge des magistrats, il exprima dans une vingtaine de pages la profonde douleur que cette mesure lui faisait ressentir ; mais ce n’est pas uniquement un cri de douleur, c’est une étude pleine d’intérêt ; il montre tout ce que l’âge apporte au magistrat d’expérience, d’autorité et d’indépendance ; il se demande si en le marquant ainsi pour la retraite à jour fixe, on ne porte pas atteinte à sa dignité et à son zèle. Il se rappelle les têtes blanchies qui ornaient au Parlement les bancs de la grand’chambre ; il lui semble que l’on veut rétroactivement les faire descendre de leurs sièges.

Un jour, le lendemain de Pâques, ses journaux lui manquent comme à tout le monde ; il emploie le temps qu’il leur consacre d’ordinaire à dicter des réflexions sur cette privation singulière dont si peu de personnes savent s’accommoder. Pour lui, il s’en félicite ; c’est un jour de congé qu’on lui accorde ; il se hâte de faire le procès à ces journaux dont le lendemain il reprendra avidement la lecture. Mais je dois avouer qu’il les blâme moins de ce qu’ils disent que de ce qu’ils taisent, et il ne leur impute pas trop vivement le silence qu’ils gardent sur tous les sujets qui, dit-il, intéresseraient le plus un homme politique et un bon citoyen comme lui.

Ses appréciations journalières comme ses souvenirs se répandaient en conversations, qui étaient un besoin pour lui et d’un agrément exquis pour ceux qui l’approchaient. Il aimait