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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/277

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vaient se rencontrer, sans se heurter, profitant pour bien vivre ensemble d’un heureux moment de trêve, des opinions partout ailleurs bien divisées : celui de l’extrême vieillesse révérée et sereine, de plus en plus équitable et bienveillante, et, dans son éloignement nécessaire de l’action, agissante encore par le souci constamment éveillé de la chose publique, par l’insatiable curiosité de l’esprit, par le mouvement jamais ralenti de la pensée.

Un rare privilège a été départi à M. Pasquier ; ses années, dans leur cours prolongé, lui avaient retiré moins d’avantages qu’elles ne lui en avaient apporté. Les préventions, les malveillances que, comme tout homme publie, il avait pu rencontrer dans sa militante carrière, elles les avaient usées ; elles avaient mis dans une pleine lumière et signalé à la gratitude et au respect de tous ses mérites et ses services ; elles l’avaient fait assister, heureux de son partage, au jugement impartial d’une favorable postérité : il leur devait, d’autre part, une plus complète expérience de la vie, une plus profonde connaissance des hommes, et, par une conséquence naturelle, plus de disposition à cette appréciation indulgente des actes, qui tient compte, en les jugeant, de la fatalité des circonstances et des situations : en même temps qu’elles s’accroissait sans cesse cette sympathie affectueuse qui, par un progrès touchant, que n’amène pas toujours le progrès de l’âge et qu’il ne produit que dans des âmes excellentes, le faisait entrer, avec un empressement de jour en jour plus marqué, dans ce qui touchait ses amis et particulièrement dans leurs peines. On eût dit qu’il se hâtait de mettre à profit, pour les bons offices de l’amitié, les jours de grâce qui lui étaient accordés. Ceux qui le voyaient le plus souvent