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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/28

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Il place dans la liberté civile le fondement premier de la liberté politique.

C’est juste le contre-pied de l’esprit qui entraine plutôt qu’il ne guide une grande partie de la démocratie européenne. Tandis que l’Américain croit à son âme, à Dieu qui l’a faite, à Jésus-Christ qui l’a sauvée, à l’Évangile qui est le livre commun de l’âme et de Dieu, le démocrate européen, sauf de nobles exceptions, ne croit qu’à l’humanité, et encore à une humanité fictive qu’il a créée dans un rêve. Ce rêve est à la fois son âme, son Dieu, son Christ, son Évangile, et il ne pense à aucune autre religion, si ancienne et si révérée soit-elle, que pour la persécuter et l’anéantir, s’il le peut. L’Américain a eu des pères qui portaient la foi jusqu’à l’intolérance ; il a oublié leur intolérance et n’a gardé que leur foi. Le démocrate européen a eu des pères qui n’avaient point de foi, mais qui prêchaient la tolérance ; il a oublié leur tolérance et ne s’est souvenu que de leur incrédulité. L’Américain ne comprend pas un homme sans une religion intime, et un citoyen sans une religion publique. Le démocrate européen ne comprend pas un homme qui prie dans son cœur, et encore moins un citoyen qui prie en face du peuple. La même différence se retrouve en ce qui concerne la loi. L’Américain, qui respecte la loi de Dieu, respecte aussi la loi de l’homme, et, s’il la croit injuste, il se réserve d’en obtenir un jour l’abrogation, non par la violence, mais en se faisant une arme pacifique et sûre de tous les moyens de persuasion que l’homme porte avec lui dans son intelligence, et des moyens plus puissants encore qu’il peut tenir d’un dévouement éprouvé à la cause de la justice. Pour le démocrate européen, et je le dis toujours avec les exceptions