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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/317

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je crois aussi, sur trop de preuves, hélas ! à l’insuffisance de la nature, et je sais tout ce que l’âme emprunte à d’incessantes communications avec un monde supérieur. Ces perpétuels secours, dont il a besoin pour aider sa liberté, c’est par la religion que l’homme les sollicite et qu’il les reçoit. Je cherchais tout à l’heure ce fonds commun où s’alimentent tant d’héroïques vertus qui n’ont pas même l’idée de la gloire terrestre, et vous, Messieurs, en face de ces merveilles du sacrifice et de la charité, vous l’avez nommé déjà : c’est le sentiment chrétien.

Multipliez les récompenses et les honneurs, prodiguez les encouragements, ouvrez aux belles actions toute carrière vers la renommée, et fermez, un moment, à l’âme humaine ces perspectives ouvertes sur le ciel ; savez-vous ce qu’il restera de ces bonnes œuvres, de ces simples et constantes vertus qui s’exercent dans l’obscurité de la famille inconnues de vous, du monde et d’elles-mêmes ? C’est là pourtant le sel de la terre ; c’est dans l’abondance de cet héroïsme sans faste, et mêlé à toutes les habitudes de la vie, que réside la vraie civilisation. Otez à ces pauvres servantes illettrées, à ces laboureurs, à ces artisans de nos villes, à ces âmes bienfaisantes de toutes les classes qui se dévouent, pour autrui, au travail, à toutes les souffrances, ôtez-leur l’aliment de la foi et le luxe de la prière, et demandez-leur encore de renoncer au plaisir et à tant de besoins réels, dans une société qui sacrifie tout aux besoins factices ! Cette force de renoncement, cette domination de soi-même, sans laquelle il n’existe ni grandes ni petites vertus, je sais que la fierté native, une haute culture, peuvent les donner à quelques esprits ; mais la religion les inspire seule à toutes les âmes. Qu’on s’ingénie