Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/318

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à découvrir des mobiles humains capables de remplacer ce divin mobile ! C’est lui seul, en attendant, que je rencontre à l’origine des plus simples mérites et des plus grands actes de la société moderne. À l’avant-garde de toutes nos conquêtes, même dans l’ordre physique, un sentiment chrétien m’apparaît comme éclaireur et comme guide. Avant la folie de l’or, c’est la folie de la croix qui poussa nos aïeux vers des mondes inconnus.

Dans cet extrême Orient où flotte aujourd’hui le drapeau de la France, nos missionnaires et nos martyrs ont précédé nos soldats de plusieurs siècles. Des prêtres héroïques ont préparé la voie à notre héroïque armée, et la vertu religieuse a donné l’exemple à la vertu militaire. Que de courage et d’amour du devoir se dépensent obscurément dans ces guerres et dans ces prédications lointaines ! Et pour quelles récompenses ? À mesure que les périls et les misères de toutes sortes s’accroissent avec la distance, il semble que l’on voie diminuer les encouragements et la renommée. L’attention de la foule se fatigue à suivre ces milices dévouées qui vont si loin confesser le Christ ou glorifier la patrie. Mais tous ceux dont les admirations se règlent sur la grandeur des efforts et des sacrifices s’attachent avec un intérêt passionné à ces apôtres, à ces soldats intrépides séparés de nous de toute l’épaisseur du globe, et qui reçoivent si tardivement ou nos secours ou nos éloges. N’oublions pas, aujourd’hui, ces nobles actions si glorieuses pour la France et si modestement accomplies par tant de héros qui ne s’indignent point de rester obscurs. Avec les traits de dévouement que nous révèle la reconnaissance privée, inscrivons sur nos tables d’honneur les grands faits signalés par l’admiration publique.