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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/321

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reine Marie-Antoinette venait de donner le jour à son premier-né. Madame Elisabeth de France avait dix-huit ans ; elle illuminait Versailles de ses grâces virginales et de son angélique piété ; cette Elisabeth, dont vous voyez devant vous le buste donné par M. de Montyon lui-même, avec cette inscription : À La vertu, dont elle lui semblait le type le plus accompli et le plus touchant. L’avenir était heureusement voilé pour tous, et nul ne frissonnait d’avance à la pensée du sort qui attendait ces têtes innocentes et charmantes. La liberté semblait donc se lever pure et féconde, en Europe comme en Amérique, et notre antique royauté se retremper dans une source nouvelle de jeunesse, de popularité et de vertu. Que de mécomptes, de ruines et de désastres, que de crimes surtout et d’humiliantes défaillances depuis ces jours de généreuse illusion, de légitime enthousiasme et d’aveugle confiance ! Que de cruelles leçons infligées aux plus nobles aspirations du cœur humain ! Que de motifs pour ne se livrer aux plus raisonnables espérances qu’avec une salutaire humilité ! sans qu’il faille pourtant abdiquer jamais les indestructibles droits de la liberté humaine, ni reléguer dans le pays des chimères la noble ambition de gouverner les hommes par l’honneur et la conscience.

Mais on le sait : en dehors de la religion, aucune institution, aucune loi, aucun pouvoir n’a survécu aux orages qui devaient si tôt éclater et ensevelir pour un temps la fondation de M. de Montyon dans une catastrophe universelle. De tout ce qui vivait alors, nous seuls avons pu revivre, et, avec nous, cette œuvre modeste et honnête qui nous avait été confiée. Osons dire qu’elle a grandi entre nos mains, et