Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/322

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qu’elle s’est purifiée avec le temps, le temps qui est le grand ennemi dans cette France moderne où la durée est trop souvent une condition de faiblesse et d’impopularité.

L’Académie n’avait point ambitionné, encore moins sollicité le devoir qui lui était imposé. Après qu’elle l’eut accepté, quelques hésitations ont pu marquer ses premiers pas dans une carrière si nouvelle pour elle. Quelques doutes ont pu s’élever sur la nature, sur la convenance même de notre mission. Le temps est venu à notre secours. La force des choses a parlé. Un demi-siècle d’expérience nous a permis d’assurer notre marche. L’Académie a été instinctivement et naturellement conduite à définir, à préciser cette vertu un peu vague dont notre fondateur nous léguait la tutelle, mais dont il avait oublié de fixer les conditions, la règle et la sanction. Elle l’a cherchée, elle l’a reconnue dans la charité, c’est-à-dire dans la première, la plus difficile et la plus aimable des vertus chrétiennes.

Dans la charité, ce que nous admirons, ce que nous couronnons par-dessus tout, c’est le sacrifice. La charité faite par les riches nous échappe ; c’est la charité faite aux pauvres par d’autres pauvres qui nous attire et nous émeut. C’est elle que nous essayons, non pas de récompenser, mais de seconder et de signaler à la reconnaissance publique. M. de Montyon l’a ainsi voulu en nous prescrivant de ne recompenser que la vertu indigente. Mais nous ne contrevenons pas à ses volontés, en honorant, par exception, ceux à qui s’appliquent le texte sacré : Beati pauperes spiritu, dans le sens vrai et sublime du mot ; ceux qui, nés dans l’aisance, se font pauvres par l’esprit, pauvres par le cœur, afin de dévouer à la fois leur richesse et leur per-