Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/383

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Non, la société, pas plus que la nature, n’est une machine toute montée dont le progrès se déroule suivant une loi inévitable par une force inconsciente : les hommes n’y figurent pas à une place et pour un jeu marqués d’avance, comme des chevilles ou des rouages. Tous ces vains et froids systèmes, qui conspirent autour de nous pour anéantir la notion même de la liberté morale, qui voudraient l’arracher de notre cœur après l’avoir bannie du gouvernement du monde, et dégrader l’homme après avoir détrôné Dieu, échoueront toujours devant l’observation du plus simple fait. Ils n’apprendront pas plus aux peuples à se passer de la vertu qu’à la nature à s’expliquer sans la Providence. Comme la matière n’a pu tenir son mouvement que de l’impulsion de son créateur, la société aussi reçoit le sien de l’effort volontaire des êtres moraux qui la constituent. Les plus hautes conceptions de la philosophie, toutes les découvertes de la science et toutes les combinaisons de la politique, sont des engins qui attendent une chaleur motrice. La moindre vertu leur apporte son étincelle, et toutes ensemble échauffent et finiront, si Dieu le permet, par embraser le foyer.