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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/44

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çaises, et ce sera leur ouvrage pour une grande part. À voir la suite de nos trois siècles littéraires et cette succession continue d’hommes éminents dans tous les ordres de l’esprit, on ne saurait méconnaître qu’une prédestination de la Providence veille sur notre littérature en vue d’une mission qu’elle doit remplir. Et que cette mission soit salutaire, qu’elle se rattache aux plans d’un avenir ordonné et pacifique, où, dans des conditions nouvelles, seront satisfaits les vrais besoins de l’humanité perfectionnée, je ne saurais non plus en douter. Il suffit, pour s’en convaincre, de remarquer que, sauf de rares exceptions, le génie en France conduit à la vérité et la sert. Tout ce qui s’élève dans les régions de l’intelligence, tout ce qui demeure visible à l’admiration, de Pascal au comte de Maistre, de Montesquieu à M. de Tocqueville, prend en haut le caractère de l’ordre, ce quelque chose de grave et de saint qui éclaire sans consumer, qui meut sans détruire, et qui est à la fois le signe et la puissance même du bien. Tels sont, à ne pouvoir se le cacher, les grandes lignes de la littérature française et ces sommets éclatants où la postérité vient, malgré elle, chercher le bienfait de la lumière dans la splendeur d’un goût sans reproche. Vous continuez, Messieurs, cette double tradition du beau et du vrai, de l’indépendance et de la mesure, qui sont le cachet séculaire du génie français. Aussi, pourrai-je ne pas vous l’avouer ? Quand vos suffrages m’ont appelé à l’improviste parmi vous, je n’ai pas cru entendre la simple voix d’un corps littéraire, mais la voix même de mon pays m’appelant à prendre place entre ceux qui sont comme le sénat de sa pensée et la représentation prophétique de son avenir. J’ai vu les préjugés qui m’eussent séparé de vous il y a