Aller au contenu

Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/48

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

signalait et que vous venez de confirmer. Elle a donné ses suffrages au prédicateur éloquent, au brillant écrivain, au moraliste à la fois sévère et tendre, sympathique et pur. Elle s’est félicitée de trouver réunis en vous tant de mérites divers et rares, et de les appeler, avec vous, dans son sein.

Il y a trente-six ans, Monsieur, vous étiez l’un des jeunes lutteurs et l’une des espérances du barreau de Paris. Vous portiez dans cette carrière ardue des goûts, des instincts, des entraînements d’imagination et d’âme qu’elle ne satisfaisait pas : « Je travaille, écriviez-vous à l’un de vos amis, je prends patience, j’ai de l’avenir devant moi ; ils me prédisent tous un bel avenir ; et cependant je suis quelquefois fatigué de la vie ; la société a peu de charmes pour moi ; les spectacles m’ennuient. Je n’ai que des jouissances d’amour-propre ; je vis de cela, et encore je commence à m’en dégoûter. » Un homme éminent, votre guide alors, aujourd’hui votre confrère et le mien, qui était déjà, il y a trente-six ans, et qui reste encore aujourd’hui la gloire de ce barreau ou vous débutiez, M. Berryer, vous dit un jour : « Je crains votre imagination riche et vagabonde, l’ardente témérité de vos pensées, l’exubérance de votre langage ; vous compromettrez dans l'indépendance et les luttes passionnées du barreau vos grands avantages naturels ; vous avez besoin de subir un joug, de soumettre votre esprit et votre talent à une forte et sévère autorité. Faites-vous prêtre ; vous deviendrez un éminent orateur de la chaire. » Quelques années plus tard, M. Berryer entendait dire que, dans la chapelle du collège Stanislas, un jeune catéchiste faisait des conférences remarquables ; il allait l’entendre. C’était vous. Monsieur ; la foi s’était saisie de votre âme ; vous aviez suivi