Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/47

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rencontré, ils vous auraient assailli avec colère comme un odieux persécuteur ; et les vôtres, ardents à enflammer les vainqueurs contre les hérétiques, se seraient écriés : « Frappez, frappez toujours ; Dieu saura bien reconnaître les siens. » Vous avez eu à cœur, Monsieur, et je n’ai garde de vous le contester, vous avez eu à cœur de laver de telles barbaries la mémoire de l’illustre fondateur de l’ordre religieux auquel vous appartenez ; ce n’est pas à lui, en effet, c’est à son siècle, et à tous les partis pendant bien des siècles, qu’il faut les reprocher. Je n’ai pas coutume, j’ose le dire, de parler de mon temps et à mes contemporains avec une admiration complaisante ; plus je désire ardemment leur bonheur et leur gloire, plus je me sens porté à leur signaler à eux-mêmes ce qui leur manque encore pour suffire à leurs grandes destinées. Mais je ne puis me refuser à la joie et, le dirai-je ? à l’orgueil du spectacle que l’Académie offre en ce moment à tous les yeux. Nous sommes ici, vous et moi, Monsieur, les témoignages vivants et les heureux témoins du sublime progrès qui s’est accompli parmi nous dans l’intelligence et le respect de là justice, de la conscience, du droit, des lois divines, si longtemps méconnues, qui règlent les devoirs mutuels des hommes quand il s’agit de Dieu et de la foi en Dieu. Personne aujourd’hui ne frappe plus et n’est plus frappé au nom de Dieu ; personne ne prétend plus à usurper les droits et à devancer les arrêts du souverain juge. C’est maintenant l’Académie seule qui est appelée à reconnaître les siens.

Elle sait les reconnaître, dans quelques rangs et sous quelque habit qu’elle les rencontre. Elle vous a reconnu, Monsieur, à des titres éclatants, que le sentiment public lui