Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

votre pensée semblait quelquefois se complaire, des formes hardies et familières de votre langage. Ceux-là même, malgré les sollicitudes que vous leur faisiez quelquefois éprouver, se sentaient charmés par votre éloquence, et attirés, élevés, à travers ces nuages et ces orages, vers la lumière divine et le ciel pur. C’est d’ailleurs, dans toutes les carrières, la condition des hommes destinés à agir puissamment sur leurs semblables de les étonner et de les troubler tout en s’en faisant suivre, de leur être des sujets de doute et d’inquiétude en même temps que d’admiration et d’entraînement. Il faut, pour remuer et dominer les hommes, leur être à la fois sympathique et inattendu, se montrer à la fois l’un d’entre eux et tout autre qu’ils ne sont eux-mêmes, et toucher fortement, quoique d’une main fraternelle, les plaies qu’on veut guérir. C’était là, Monsieur, le caractère original de vos conférences et le secret de leur puissance comme de leur attrait.

Vous ne tardâtes pas à prouver que votre talent était aussi souple que riche : vous étiez entré, avec les vivants, en intime conversation sur eux-mêmes ; vous fûtes appelé à leur parler de morts illustres, ecclésiastiques, laïques, soldats, politiques, orateurs, écrivains. Quel modèle devant vous, Monsieur, et de quel trouble son nom devait vous saisir ! Jamais les grands de ce monde, grands par le rang ou par la nature, n’ont trouvé, en descendant dans la tombe, une voix pareille à celle de Bossuet pour les glorifier devant les hommes en les humiliant devant Dieu. Ce sublime génie eût immortalisé les morts les plus obscurs s’il se fût chargé de les proclamer. Personne, j’en suis sûr, ne l’admire plus que vous. Monsieur, car, dans la même mission, vous vous êtes montré