Aller au contenu

Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son habile élève. Et quels morts vous sont échus en partage ! Le général Drouot, le plus vertueux, le plus pieux, le plus désintéressé, le plus fidèle, le plus modeste comme le plus brave des soldats ; — Ozanam, ce modèle de l’homme de lettres chrétien, digne et humble, ardent ami de la science et ferme champion de la foi, goûtant avec tendresse les joies pures de la vie et soumis avec douceur à la longue attente de la mort, enlevé aux plus saintes affections et aux plus nobles travaux, trop tôt selon le monde, mais déjà mûr pour le ciel et la gloire ; — O’Connell, ce patriote infatigable, cet orateur indomptable dans son dévouement au service de son malheureux pays qui l’a dignement récompensé en le nommant le Libérateur ! La Providence semble avoir choisi pour vous des morts dignes de votre éloquence, et votre éloquence s’est montrée digne de ces choix ; elle a été, devant les tombeaux, aussi sobre, aussi bien réglée, aussi chaste qu’elle avait été abondante et ardente dans vos luttes avec le monde, contre les passions de la terre et l’oubli de Dieu.

Je me permettrai, Monsieur, à l’occasion de l’un de ces nobles noms, un souvenir personnel qui convient à la solennité de ce jour, car il retrace un fait et réveille des sentiments analogues à ceux dont nous sommes préoccupés. Il y a vingt ans, j’avais l’honneur de représenter à Londres la France et son roi. Je n’avais jamais vu M. O’Connell. On m’offrit l’occasion de le rencontrer. Nous dînâmes ensemble avec quelques membres du parlement et du cabinet anglais. Il vint à moi en me disant : « Ceci est, Monsieur, une rencontre singulière et qui fait honneur à notre temps, vous protestant, ambassadeur du roi de France, moi, catholique,