Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/592

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Bulletins imprimés, bulletins à la plume,
Scrutin secret enfin ; et sur mille électeurs
Un pongo qui, parmi les sages,
Passait pour être des meilleurs,
Obtint les deux tiers des suffrages ;
Et comme en tout pays, les vivat, les bravos.
Les cris joyeux troublèrent les échos
Du Zaïre et de ses rivages.
Les opposants grognèrent bien un peu ;
Mais ils surent cacher leur jeu.
Et, quoique grimaciers, composer leurs visages,
Si bien que dès le lendemain
Ils vinrent tous en foule apporter leurs hommages
Aux pieds de l’heureux souverain.
Tous le félicitaient, protestaient de leur zèle.
Le proclamaient des rois le plus parfait modèle,
Le désiré, le bien aimé.
Tous en un mot l’avaient nommé.
Aucun ne prit pour lui les suffrages contraires ;
Et le plus fin des adversaires
Dit en raillant que les lutins
Avaient changé les bulletins.
On rit et tout fut dit. Qu’aurait gagné leur maître
À démêler les menteurs des amis ?
Mieux vaut prendre les gens pour ce qu’ils veulent être
Que s’en faire des ennemis.