Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/627

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LANDRESSE.

La reine ! qu’as-tu dit ? La reine ! Quel blasphème !
La reine ignore tout ! Je suis seul criminel.
Mais non ! C’est cet honneur fatal et maudit ! Ciel !
Ciel ! Avoir vingt-cinq ans, rencontrer une femme
Trois fois reine, et de nom, et de visage, et d’âme !
Pour elle d’un premier, d’un invincible amour
Sentir votre âme atteinte, et près d’elle, en un jour,
Savourer goutte à goutte avec d’âpres délices
Du bonheur de l’époux les pudiques prémices !
La voir s’agenouiller avec vous à l’autel ;
L’entendre vous jurer un amour immortel !
Sentir en votre main tomber sa main tremblante !
Sur sa bouche poser votre bouche brûlante !
Et dans ce faux bonheur d’autant plus se plonger,
Qu’on le sent plus amer, plus vain, plus mensonger,
Qu’ayant tout, l’on n’a rien, et qu’en sa frénésie.
En mourant de bonheur, on meurt de jalousie !

NEVERS, (à part).

Décidément, je fais un cours complet d’amour.

LANDRESSE.

Si cette épreuve au moins n’avait duré qu’un jour !
Mais vivre ainsi deux mois ! Deux mois, où le voyage
À l’enivrante erreur de ce faux mariage
Mêlait sa poésie et ses enchantements !
Tu le sais ! tu l’as vu ! mille hasards charmants
Nous rapprochaient toujours ! Lorsque dans la chapelle
Elle entrait pour prier,… sur qui s’appuyait-elle ?