Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/628

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Sur moi ! Pour l’élever sur son blanc palefroi,
Qui lui prêtait sa main, son épaule ? encor moi !
Le soir pour en descendre, en quels bras enlacée
Jusqu’à terre glissait la jeune fiancée ?
Dans les miens !… Chaque pas, chaque jour, entre nous
Créait quelque entretien plus intime et plus doux !
Ah ! que de fois, les jours de longue chevauchée.
Quand les mulets, recrus et la tête penchée.
Demeurant en arrière avec les lourds charrois,
Nous laissaient tous deux seuls en avant,… que de fois,
Au doux tomber du jour, alors qu’on voit, ce semble.
Les âmes et les fleurs s’épanouir ensemble.
Je vis, moi, ce cœur pur s’ouvrir devant mes yeux
Comme l’étoile d’or qui se levait aux cieux !
Elle me racontait, les regards pleins de larmes,
Ses premières douleurs, ses dernières alarmes,
Sa mère, à sa tendresse enlevée en un jour,
Sa jeunesse isolée au milieu de la cour.
Et tous ces souvenirs jetant sur son visage
Ce voile de langueur si charmant au jeune âge.
Comme elle était touchante en peignant son effroi
De se voir, à seize ans, l’épouse d’un grand roi !
Avec quelle naïve et douce gaucherie,
Faisait-elle sur lui tomber la causerie,
Et quand je racontais ses exploits… car jamais.
Jamais, je n’ai trahi !… comme soudain ses traits
S’inondaient d’un bonheur, s’éclairaient d’une flamme
Dont la vue enchantait et torturait mon âme…
Tant, de ce chaste amour le pur rayonnement
D’un éclat inconnu parait ce front charmant,