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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/662

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Et, quelque novateur qu’il lui plaise enfanter,
La presse et le public sont prêts à le fêter.



N’a-t-on pas vu naguère, en un jour de démence,
Immoler à Byron les gloires de la France,
Railler notre grand siècle, et de leurs piédestaux
Abattre insolemment Voltaire et Despréaux,
Prêcher que, de Racine à notre Delavigne,
Paris n’avait produit qu’une cohue indigne
De fades rimailleurs, dont le style énervé
Dans sa froide pudeur n’offrait rien d’élevé ?
L’étranger, disait-on, vit seul de grands poëtes,
Là, de nos passions sont les vrais interprètes,
Là, secouant le joug de nos stupides lois.
Ils ont peint à grands traits les peuples et les rois.
C’est aux mâles accents de leur libre génie
Qu’il faut régénérer notre scène affadie.



On s’étonne vraiment qu’un cénacle de fous
Ait ainsi dépravé nos penchants et nos goûts.
Que l’Athènes moderne, abjurant ses croyances.
Ait tout à coup sans honte adopté leurs sentences.
Et que, de nos grands noms effrontés détracteurs,
Ils n’aient point à Bicêtre expié leurs erreurs.
Sur l’Europe à l’envi leur troupe se partage.
Du Tibre à la Tamise et d’Archangel au Tage,
Ils s’en vont ramassant, quêtant de toutes parts
Les Eschyles crottés, les Molières bâtards