Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/676

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suivant les lois. J’étais fort embarrassé : il fallait de toute nécessité, ou violer la loi, ou faire mourir mon ami. Après y avoir bien rêvé, j’ai trouvé cet expédient : je mis au jour, avec tant d’adresse, toutes les meilleures raisons de l’accusé, que mes collègues ne firent aucune difficulté de l’absoudre ; et moi je le condamnai à mort sans leur en rien témoigner. J’ai satisfait au devoir de juge et d’ami, Cependant je sens je ne sais quoi dans ma conscience qui me fait douter si mon conseil n’était point criminel. »

Cléobule enfin, le moins célèbre des sages de la Grèce et le plus heureux, dit-on, ce fut choisi par ses concitoyens de la petite ville de Lindes, dans l’île de Rhodes, qui le chargèrent de les gouverner, ce qu’il fît avec autant de facilité que s’il n’avait eu qu’une famille à conduire. »

Voilà les sages de la Grèce dont Fénelon nous a raconté la vie. J’ai omis Solon, qui fut législateur et qui ne donna pas aux Athéniens les meilleures lois qu’il pouvait leur donner, mais celles qu’ils pouvaient le mieux supporter. Tous ces sages ont été mêlés aux affaires et au monde ; ils ont tous su y réussir, et c’est pour cela même qu’ils ont été appelés des sages. Ils n’ont pas pensé à être des anachorètes et des misanthropes, à vivre dans la retraite et dans l’étude. Ils ont cru que la vie active était permise et même convenable au sage ; ils n’ont pas cherché à en fuir les périls, les ennuis, les embarras, ni même les petitesses et les misères.

Les fables d’Ésope se rattachent à cette vieille sagesse : elles prêchent la morale pratique, celle qui enseigne à ne pas faire de bévues dans le monde, à éviter les fautes encore plus que les péchés, à être avisé plus encore qu’à être vertueux,