Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/69

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vains, les uns mes maîtres, les autres mes amis, qui, déployant au service d’un genre secondaire des talents de premier ordre et répandant sur une forme légère les plus puissants prestiges de l’esprit français, ont conquis au roman une place considérable dans la littérature nationale, dans l’estime du monde, et, pour sanction suprême. Messieurs, dans la vôtre. Un des derniers venus parmi eux, et des plus humbles, il semble que je recueille ici le prix de leurs efforts plutôt que des miens, et je me croirais ingrat si je n’associais pas en ce moment leur souvenir à ma présence et leur mérite à ma fortune.

Quand j’entends ainsi, Messieurs, la portée et l’encouragement de vos suffrages, ne croyez pas que je veuille en forcer le sens et en dénaturer l’esprit. Si vous avez bien voulu, pour la seconde fois en peu d’années, appeler parmi vous un simple auteur de romans, — et puisse votre second choix rencontrer le même assentiment que le premier ! — je n’ignore pas que ce double témoignage, comme tous les actes qui émanent de votre compagnie, présente un enseignement dans une récompense. En élevant le roman jusqu’à vous, vous ne l’honorez pas seulement, vous l’engagez ; en lui reconnaissant des droits vous lui imposez des devoirs ; en l’accueillant dans votre famille illustre, vous lui commandez les convenances, les respects, la dignité des choses légitimes et régulières : vous lui conférez enfin la noblesse, pour qu’il se souvienne surtout qu’elle oblige.

Telles sont, Messieurs, vos généreuses traditions ; vous patronnez pour diriger ; vous adoptez pour anoblir : vous avez de grandes doctrines ; vous avez de justes scrupules ; vous n’avez point de dédains. Sans jamais flatter les idées,