Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/91

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sique. Ce coup d’audace lui réussit : car les paroles étaient de Scribe.

Tel était, Messieurs, autant que j’ai pu le peindre dans la mesure de vos usages et de mes forces, ce maître de la scène, qui, après avoir conquis vos suffrages, mérita bientôt, dans votre intimité, une récompense plus haute encore, celle de votre affectueuse estime. C’est que, vous n’aviez point tardé à le reconnaître, cette alliance si peu commune des séductions de l’esprit et des vertus de l’âme régnait chez M. Scribe avec une harmonie captivante, que son aspect seul, que son premier regard semblaient révéler. Dans ce regard à la fois plein de feu et de douceur, empreint d’une sympathie ardente, et d’une sorte de timidité touchante à ce degré de renommée, on croyait voir briller en même temps toutes les distinctions de cette rare existence, vouée tout entière au travail, à la gloire et au bien. Chez M. Scribe, en effet, l’homme était tellement égal à l’écrivain, qu’en étudiant son œuvre je n’ai pu séparer en lui ce double caractère. En rappelant ce qu’il a écrit, j’ai déjà dit ce qu’il a été. Ses heureux collaborateurs, dont quelques-uns furent ses dignes émules et ses dignes collègues, étaient tous restés ses amis, pour mieux témoigner que sa bienveillance prévenante, sa droiture et sa délicatesse à l’égard de ses confrères n’étaient pas reléguées comme des lettres mortes dans les fictions de la scène. Comme sur la scène encore, il aimait, dans le monde, à revêtir les réalités de la vie de toute la couleur poétique que la raison et la vérité comportent. Autant qu’il est permis de pénétrer dans le secret de son existence privée, dont un des mérites et un des bonheurs fut d’être obscure, ce tour délicat de sa pensée se trahit dans