Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/90

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à l’admiration et à la reconnaissance publiques. Mais, dans un discours dont M. Scribe est le sujet, il faut bien, si l’on veut se borner, se résigner à paraître incomplet. Je ne saurais oublier, d’ailleurs, que mon devoir ici est double : je dois rendre à Scribe un juste hommage, et je ne dois point risquer d’épuiser votre bienveillance. — Pour ne manquer ni à l’une ni à l’autre de ces obligations, je ne puis négliger, mais je ne ferai que rappeler en passant, une partie considérable de l’œuvre de Scribe, cette heureuse série de drames lyriques dans lesquels il a su répandre un intérêt que ce genre d’ouvrages semblait à peine admettre avant lui. Sans vouloir exagérer, dans ces difficiles compositions, la part du poëte aux dépens de celle qui revient au musicien, il est juste de remarquer que, parmi toutes les féeries qui ont passé sur nos scènes lyriques depuis plus de trente ans, celles qui survivent le plus glorieusement portent toutes, à bien peu d’exceptions près, le nom de Scribe. — Robert-le-Diable, le Comte Ory, la Juive, la Muette, les Huguenots, — comme la Dame blanche, le Domino noir, le Chalet, et dix autres chefs-d’œuvre, affirment la vérité de cette observation. Il y a là du bonheur sans doute ; il y a le bonheur d’avoir été choisi entre tous par les plus illustres collaborateurs ; mais pourquoi était-il choisi ? Parce que lui seul, on le savait, possédait l’art de jeter dans un poëme cette action et cette vie dramatique sans lesquelles les plus puissants prestiges de la mélodie sont malaisément goûtés d’un public français. Il semble qu’il y eût un sens symbolique dans ce trait proverbial d’un directeur de théâtre qui, manquant de chanteurs, et désirant cependant initier son public aux beautés d’un opéra en vogue, en supprima hardiment la mu-