Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 1re partie, 1895.djvu/85

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revient à son mari ; que c’est à lui de modeler à son gré, de former suivant ses vœux, d’élever à la dignité de ses sentiments et de ses pensées, ce jeune cœur et ce jeune esprit qui ne demandent qu’à lui plaire ; vous y auriez vu qu’il est à la fois sage et charmant d’ajouter aux liens qui unissent une femme à son mari, ceux qui unissent l’élève à son maître, à son instituteur, à son guide, à son ami… » C’est la seule fois, il me semble, que Feuillet nous ait présenté tout cela sous cette petite forme de sermon ; mais il l’a prêché, de la façon la plus merveilleusement enveloppée, dans tous ses livres. — Qu’il me soit permis de dire qu’il l’a prêché aussi de son exemple en associant à tous les élans de son esprit la femme d’élite qui était la sienne.

La conséquence naturelle, qu’il déduit lui-même de cette thèse, est la responsabilité du mari mondain dans les fautes de la femme qu’il n’a traitée qu’en objet de luxe et de passagère fantaisie, et quelquefois enfin le pardon, le pardon accordé à plein cœur, avec tendresse et avec larmes, — par ce mari qui, dans le fond, aime encore celle qui est tombée et ne se sent pas vis-à-vis d’elle la conscience bien en paix. — Mais, qu’on ne s’y méprenne pas cependant, ce pardon, dans les romans de Feuillet, est toujours un pardon in extremis, si la faute a été consommée ; il n’est jamais suivi d’une reprise de la vie commune qui, après une telle déchéance de la femme, eût révolté son chevaleresque honneur. Ainsi Marcelle de Targy, pardonnée avec amour, meurt dans les bras de son mari en recevant le premier baiser de miséricorde. Ainsi Jacques Fabrice, après avoir pardonné à sa femme, s’en va, seul, errer dans le jardin som-