que les épreuves de la vie influèrent sur le poète qui avait écrit dans l’aurore de ses vingt ans :
Je me suis abreuvé dans l’âme universelle
D’un amour immense et pieux,
Car je suis d’un pays où tout chante et ruisselle,
Flots des mers et rayons des cieux [1],
je crains d’avoir fait preuve d’une psychologie un peu simple. La tristesse de Leconte de Lisle a un caractère trop général, trop élevé et trop mâle pour provenir des seules amertumes personnelles. Comme on l’a si bien dit, Leconte de Lisle a transposé sa douleur sous la forme et dans l’ordre de l’angoisse métaphysique… Il a été la voix de tous ceux qui aspirent au repos que la vie a troublé [2]». Oui, il a souffert, mais plus encore qu’il n’a souffert, il a eu la pitié, puis l’indignation du mal universel. Érudit, il a lu dans le livre sanglant de l’histoire le long supplice de l’humanité ; philosophe, il a demandé aux poèmes sacrés la raison des choses. Partout, il a vu la misère, les larmes, la tyrannie, la permanence de la loi du plus fort, la pérennité de l’Âge de fer, la décevante Maïa,
le tourbillon sans fin des apparences vaines.
Son âme généreuse et sensible s’est faite farouche et sombre. L’élégiaque chrétien qui était en lui est devenu