Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/205

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française un durable enrichissement, mais plutôt, c’est depuis lors que nous nous les sommes véritablement appropriées, ou qu’elles sont devenues tout à fait nôtres, en acceptant la discipline et le joug plus étroits de la forme classique. Et si ce retour à la tradition n’aura peut-être pas moins d’importance un jour que le mouvement violent par lequel, au début de ce siècle, nous nous étions écartés de nos anciens maîtres, le principal mérite en revient à M. Leconte de Lisle.

Dirai-je, Monsieur, qu’à cet égard vous avez continué son œuvre ? Oui ; si je ne craignais d’effaroucher votre modestie. Mais je puis bien supposer, et j’ai toutes sortes de raisons de croire que cette commune admiration de l’antiquité n’a pas été, entre vous et notre illustre confrère, le moindre lien d’une commune amitié. Vous étiez bien jeune, en 1867, quand vous lui fûtes présenté pour la première fois ! Mais vous étiez déjà l’auteur d’une élégante Histoire d’Appelles !Mais vous reveniez déjà d’Athènes ! Mais vous aviez déjà formé le projet d’écrire votre savante Histoire d’Alcibiade ! La guerre de 1870 vous arrachait à vos travaux ; et, comme nous tous, pendant une année presque entière, vous cessiez de vous appartenir. Mais à peine les événements vous remettaient-its en possession de vous-même que vous repreniez l’œuvre un moment suspendue. « La plus riche vie, a dit Montaigne, — qui ait été vécue entre les vivants, et étoffée de plus de riches parties, et désirables, c’est, tout considéré, celle d’Alcibiade. Du moins n’en voit-on guère dont les contrastes soient mieux faits pour séduire une imagination d’historien : je suis de ceux, vous le savez, qui ne conçoivent pas qu’il y ait d’historien sans un peu d’Imagination.