Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/431

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tude en songeant combien ma sauvagerie m’a tenu éloigné de mon glorieux prédécesseur ; combien mes goûts pour la vie de province et mes habitudes de coureur de bois me préparaient peu à le louer comme il convient. Je n’ai guère analysé que les plantes ou parfois les cœurs peu compliqués des bûcherons et des charbonniers de la forêt. Le monde parisien où s’agitent les héroïnes et les héros créés par ce grand homme de théâtre, je ne l’ai pendant longtemps vu que de très loin et confusément, ainsi qu’on aperçoit, le soir, à la lisière d’une futaie, les lumières et les fumées de la ville prochaine. Mon bonheur est donc mélangé de la crainte de bien mal répondre à ce que vous attendez de moi. Ce qui me rassure, c’est qu’en choisissant pour remplacer Alexandre Dumas, un écrivain séparé de lui par une si notable distance, vous avez voulu marquer indulgemment qu’à défaut de la compétence et de l’autorité nécessaires, une sincère admiration suffisait pour que votre regretté confrère reçût l’éloge qui lui est dû.

Alexandre Dumas fils naquit à Paris, le 29 juillet 1824. Il est le dernier de l’originale dynastie des trois Dumas. Son grand-père, Thomas-Alexandre Dumas-Davy de la Pailleterie, était né à Saint-Domingue, et son histoire fut aussi romanesque que celle des fameux mousquetaires dont le second des Dumas devait immortaliser les aventures. Ayant quitté son île à dix-huit ans, il arrive en France en 1780. Élégant, robuste et beau, avec cette étrangeté que lui donne son teint de mulâtre, il y mène pendant cinq années une vie de plaisir, puis s’engage au régiment des Dragons de la Reine. En 1792, on lui offre un