Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/432

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brevet de lieutenant dans la légion des hussards de la Liberté ; un peu plus d’un an après, nous le retrouvons général en chef de l’armée des Alpes, où il se fait remarquer par son esprit organisateur et par des actions d’éclat. Il était renommé pour son courage et pour son extraordinaire vigueur corporelle. On cite de lui des tours de force quasi invraisemblables : dans un des combats qui eurent lieu au Mont-Cenis, comme les soldats d’un peloton d’avant-garde perdaient du temps à escalader un retranchement, il empoigna chaque homme par le collet de l’habit et le fond du pantalon et le jeta de l’autre côté de la palissade. Si ces prouesses à la Roland n’étaient racontées que par son fils, on pourrait croire que le père de Porthos les a vues surtout au travers de son imagination grossissante, mais d’autres exploits, tout aussi prodigieux, nous ont été rapportés par un témoin oculaire, l’aide de camp Dermoncourt. Au pont de Brixen, le général, abandonné par ses dragons, se trouve seul avec son aide de camp pour soutenir un retour offensif de la cavalerie ennemie. Solide et bien en selle, celui que les Autrichiens appelaient « le Diable noir » tient tête aux assaillants, se courbe, se redresse, frappe d’estoc et de taille. « Le général, dit Dermoncourt, levait son sabre comme un batteur en grange lève un fléau, et chaque fois que le sabre s’abaissait, un homme tombait. » Quand les dragons accoururent, revenus de leur panique, le pont était jonché de morts et de blessés. À la suite de cette mémorable campagne du Tyrol, Bonaparte nomma Dumas gouverneur de Trévise, puis le désigna pour commander la cavalerie de l’armée d’Égypte. Ils s’embarquè-