Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/444

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mœurs de son temps que de mettre en scène une histoire sentimentale : l’amour désintéressé d’une courtisane ou la passion d’une grande dame pour un artiste. Ses inventions dramatiques ne diffèrent pas encore essentiellement de celles des romantiques ses prédécesseurs. Marguerite Gautier et Diane sont les cousines germaines de l’Adèle d’Antony. Là où la personnalité et l’originalité de l’auteur nouveau venu éclatent en pleine lumière, là où se montre un art neuf et surprenant, c’est dans la science de la composition, l’âpre rigueur de la logique, l’ingéniosité du métier ; et c’est aussi dans une vision particulière des hommes et des choses, dans le don de réaliser cette vision et de la faire paraître absolument vraie aux spectateurs. Avec Diane de Lys, ces qualités originales apparaissent dans leur prime fleur. Là surtout, certaines scènes nettes, rapides, passionnées, donnent cette puissante illusion de la réalité. Ceux qui ont eu le bonheur de voir le rôle de Diane interprété par Desclée se souviendront toujours du frisson de vérité dont on était saisi, lorsque l’inimitable artiste jouait la scène du 2e acte, où la comtesse reçoit pour la première fois chez elle Paul Aubry. Jamais comédienne n’eut une action plus complète et plus ensorcelante sur le public.

Avec Le Demi-Monde, Alexandre Dumas aborda franchement la comédie de mœurs. Le premier, il peignit ces déclassées qui ont plus ou moins appartenu au vrai monde, mais qu’une tare a disqualifiées, et qui forment au milieu du Paris mondain un petit clan à part, où les convenances extérieures sont respectées, où l’on accueille toutes les femmes qui ont eu des racines dans la société régulière