Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/450

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théâtre : — la logique et l’audace, le don de l’observation et de la vie, la science des préparations et de la mise au point. — C’est un enchanteur ; il a un tour de main et un tour d’esprit inimitables pour faire admettre à ses auditeurs les situations les plus risquées, pour leur exposer les cas psychologiques les plus délicats, et cela sans brutalité, sans outrance, avec une dextérité et une sûreté non pareilles. Il crée des types qui demeurent profondément gravés dans la mémoire, tant ils sont vivants : du côté des hommes, Olivier de Jalin, de Ryons et M. Leverdet, le duc de Septmonts et M. Mauriceau, M. Alphonse, Chantrin, Stanislas ; parmi les femmes, Sylvanie, Césarine, Jane, Catherine de Septmonts, Denise, Francillon ; sans compter d’originales figures de jeunes filles : — Balbine Leverdet, Mlle  Hackendorf, Annette de Riverolles, si vraies et si aimables, même lorsqu’elles sont excentriques. — Sa langue reste nette, naturelle, colorée et lumineuse. Ses dialogues sont étonnants de verve, de précision et d’adresse ; les interlocuteurs s’y caractérisent en des raccourcis d’un relief et d’une vigueur tels qu’on y devine tout un état d’âme. À travers ces reparties brèves, rapides, acérées, l’esprit, court comme une eau jaillissante, mais comme une eau de source dont le maître fontainier, avec un art consommé, sait mesurer et aménager le débit. Enfin, lorsqu’il dogmatise, Dumas fils est un puissant remueur d’idées. Le premier, il a prêché au théâtre la revendication des droits de la conscience individuelle contre les conventions sociales, le pardon de certaines fautes que les pharisiens ne pardonnent pas, la morale du cœur contre la morale du code et des