Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/451

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préjugés mondains. Il peut réclamer la priorité pour l’introduction sur la scène de cet idéalisme militant dont on a fait un titre de gloire au théâtre scandinave. Ainsi que l’a très judicieusement remarqué un de vos éminents confrères « le théâtre de Dumas, comme celui d’Ibsen, est plein de consciences qui cherchent une règle, ou qui, ayant trouvé la règle intérieure, l’opposent à la règle écrite, ou enfin qui secouent toutes les règles écrites ou non[1]. » Ces idées qu’il a été de mode d’admirer aveuglément comme des nouveautés chez les étrangers, étaient donc françaises avant d’être norvégiennes, et j’ajouterai que non seulement Dumas a eu le mérite de les exprimer le premier, mais qu’il les a exposées avec une clarté et un goût qu’on ne rencontre pas toujours chez les dramaturges du Nord.

Après avoir loué l’homme de théâtre, je ne rendrais pas complètement justice à mon illustre prédécesseur, si je ne mentionnais les ouvrages où il a également excellé comme écrivain et comme polémiste : ces préfaces ingénieuses, éloquentes, copieuses, si variées de ton, où l’on rencontre tour à tour des morceaux de haute critique littéraire, des souvenirs biographiques d’une intimité savoureuse, et des pages d’une rare élévation philosophique ; ces brochures célèbres où, avec une verve et une fougue à la Diderot, Alexandre Dumas a repris et étudié à nouveau les questions de réformes sociales qu’il avait déjà discutées sur la scène. Personne de vous, Messieurs, n’a oublié ces pages brûlantes, hardies, pleines d’une âpre dialec-

  1. Jules Lemaître, Les Contemporains, 6e série