crédit de sa femme. En retour de cette influence, M. de Châteaufort accordait à la duchesse, sa femme, une liberté dont elle usait pleinement. C’était entre eux comme une sorte de compromis tacite dont les clauses s’exécutaient loyalement. À lui les titres, les honneurs, les dignités ; à elle le luxe, les plaisirs, l’indépendance. À l’époque dont nous parlons, ces sortes d’associations consacrées par le sacrement du mariage étaient tolérées, peut-être même autorisées par les mœurs, et personne ne songeait à médire de leurs conséquences. Ceux qui faisaient de la conduite de Mme de Châteaufort le sujet de leurs entretiens ne songeaient pas à la blâmer ; les jeunes gens cultivaient sa connaissance dans l’espérance du profit qu’en pouvait tirer leur amour-propre, les autres pour le bénéfice de leur ambition. Au moment où Mme de Châteaufort rencontra Belle-Rose, le bruit de ses galanteries avec M. de Villebrais commençait à se répandre à la cour. Les raffinés s’en étonnaient et en cherchaient la cause ; les vieux seigneurs, qui avaient guerroyé sous Mme de Chevreuse et Mme de Longueville, ne se tourmentaient pas pour si peu.
– Cela est, parce que cela est, disaient-ils. Sait-on pourquoi le vent souffle ?
Mais ce dont personne ne se doutait, c’est que le règne de M. de Villebrais eût vu sa dernière heure ; de l’aurore à son crépuscule, cet amour n’avait eu qu’un éclair. La noble fierté, l’audace calme et réfléchie de Belle-Rose, avaient surpris Mme de Châteaufort ; sa jeunesse, sa beauté, l’avaient émue ; sa franchise, son dévouement, son péril, la touchèrent. Sous l’habit d’un soldat, elle venait de reconnaître le langage et les sentiments d’un gentilhomme ; jamais tant d’isolement et de résolution ne lui étaient apparus sous la figure grave et charmante d’un jeune homme. À cette destinée obscure, déjà éprouvée par la souffrance, se mêlait le prestige du malheur. Belle-Rose s’était révélé à Mme de Châteaufort au milieu de circonstances qui se rattachaient à une époque de sa