Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/132

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était épaisse, il ne vit rien ; un bruit de pas se perdit sous le couvert du parc. Le soldat quitta son poste d’observation et marcha sur les traces de l’espion en ayant soin de suivre la lisière des sentiers où l’herbe plus épaisse étouffait le bruit de sa course. Le chemin que suivait l’inconnu aboutissait à une clairière où rayonnaient plusieurs avenues ; l’une de ces avenues conduisait au château. Belle-Rose et Geneviève l’avaient fréquemment parcourue, et c’était la route qu’ils avaient coutume de prendre quand ils rentraient le soir. Belle-Rose en conclut que l’espion, fort au courant de ses habitudes, allait l’attendre au coin de l’avenue et se jeter sur lui à son passage. Très résolu à lui épargner les ennuis d’une longue attente, il allait précipiter sa marche, lorsqu’un cri s’éleva du milieu de la clairière, et, au même instant, le cliquetis de deux épées se fit entendre. Belle-Rose s’élança le pistolet au poing. Le choc des épées était vif et pressé, mais il n’avait pas fait cinquante pas, que le bruit cessa tout à coup ; la lune, dégagée des nuées qui la voilaient, inondait la forêt de sa clarté bleuâtre, et dans cette clarté flottante, Belle-Rose vit passer un homme qui fuyait, une épée nue à la main ; il bondit comme un cerf à sa poursuite. Le meurtrier glissait comme une ombre entre les arbres et semblait avoir des ailes. Au moment où il franchissait la lisière du bois, Belle-Rose lui tira un coup de pistolet ; mais la balle se perdit dans le tronc d’un bouleau, et le fugitif disparut par la petite porte du parc, brusquement refermée. Au moment où Belle-Rose arrivait devant cette porte, le galop retentissant d’un cheval lui fit comprendre que le meurtrier était désormais hors d’atteinte. Belle-Rose écoutait haletant le bruit de ce galop, lorsqu’un souvenir traversa son esprit. Le meurtrier avait fui, mais sa victime gisait sans doute dans la clairière ; quel était ce malheureux dont la vie tranchée par un assassinat avait sauvé la sienne ? Belle-Rose se hâta de courir vers la clairière. Une moitié de la pelouse restait