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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/134

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vie le bonheur de sauver M. d’Assonville, il le voyait expirer sous ses yeux et pour lui ! Il allait du sofa où gisait le moribond à la porte où se pressaient des gardes et des laquais, écoutant si le chirurgien n’arrivait pas. Les minutes lui semblaient longues comme des nuits sans sommeil.

Les linges qu’il serrait autour des blessures s’imbibaient de sang, les lèvres se décoloraient, les yeux semblaient s’éteindre. Belle-Rose jetait des regards désolés vers le ciel, puis baisait la main de d’Assonville. Enfin, le chirurgien parut. À l’aspect de cette tête blême affaissée sur les coussins, et déjà marbrée de teintes livides, ses sourcils se touchèrent un instant. Belle-Rose retenait son souffle, les gardes étaient silencieux, on entendait frémir le feuillage autour du pavillon. Après avoir tâté le pouls du moribond en écoutant le bruit de sa respiration, le chirurgien tira sa trousse, essuya sur du cuir les instruments d’acier dont l’éclair éblouit le regard de Belle-Rose, et sonda les deux blessures. Le contact du fer fit tressaillir M. d’Assonville, un soupir entr’ouvrit sa bouche ; le chirurgien poursuivit son œuvre, faisant disparaître l’acier entre les chairs rougissantes. M. d’Assonville s’agita, ses yeux se ranimèrent, il fit un effort pour saisir la main qui le tourmentait.

– Assassin ! dit-il, et sa tête retomba sur l’oreiller.

Ce mot glaça le cœur de Belle-Rose, mais un rayon d’espérance avait lui dans les ténèbres de son épouvante au réveil de M. d’Assonville. Le chirurgien retira la sonde et posa le premier appareil. Son visage avait l’impassibilité du marbre. Cependant M. d’Assonville reprenait lentement l’usage de ses sens ; la lumière renaissait sous ses paupières soulevées ; de puissants cordiaux avaient rendu au sang son cours naturel. Il tourna ses regards vers l’assemblée, vit Belle-Rose, sourit et lui tendit la main. Belle-Rose la prit et tomba sur ses genoux, bénissant Dieu.