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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/136

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Le chirurgien hasarda un geste de dénégation ; M. d’Assonville l’arrêta.

– Vous avez parlé, et je sais tout. Votre science vous permet-elle de m’apprendre combien j’ai de temps à vivre ? Répondez sans hésiter, monsieur, vous avez affaire à un gentilhomme.

Le chirurgien prit le bras du blessé et consulta le pouls, l’œil sur sa montre.

– Vous pouvez vivre encore une demi-journée, peut-être un jour entier, si vous évitez tout effort et tout mouvement ; mais la moindre secousse vous tuera net.

– Ai-je le temps d’instruire mon ami des choses que j’ai à lui dire ?

– Si votre confession doit durer plus d’une heure, c’est tout au plus si vous aurez la force de l’achever.

– Merci, monsieur.

Quand le chirurgien fut parti, M. d’Assonville pria Belle-Rose de s’approcher.

– Les minutes valent des jours, lui dit-il, restons seuls.

Belle-Rose fit un signe de la main, chacun sortit.

– Mets-toi là, reprit M. d’Assonville, en lui montrant un fauteuil. Ma voix est faible, et je crois que cet honnête chirurgien a promis plus que je ne puis tenir. Je ne voudrais pas mourir avant de t’avoir tout dit.

– Me pardonnerez-vous, mon Dieu ! s’écria Belle-Rose, retenant avec peine les sanglots qui déchiraient sa poitrine ; ils vous ont frappé, et c’est moi qu’ils cherchaient !

– Toi ! fit M. d’Assonville étonné.

– Ne suis-je pas déserteur ?

– Bah ! on arrête un déserteur, on ne l’assassine pas. Si quelque remords te poursuit, calme ta conscience ; j’ai reconnu l’ennemi… c’est bien moi qu’il attendait.

– Vous l’avez vu ! Son nom, dites son nom ; que je vous venge au moins !

– Me venger ! et pourquoi ? C’est peut-être un service qu’il m’a rendu… Il était masqué ; mais, dans la chaleur de l’action, son masque est tombé… Je ne l’ai vu qu’une