Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

juger. Les hommes qui doivent composer la garde de nuit sont tous de notre escouade : je m’en suis informé ; ce sont de bons camarades qui voudraient vous voir au diable. Quand ils seront réunis, les armes en faisceau, je les ferai ranger en cercle, et leur dirai quelque chose comme ceci : « Enfants ! il y a là dedans un brave sergent qui nous a bien souvent donné des permissions de dix heures quand nous méritions de la salle de police ! – C’est vrai ! répondront-ils. – Certes oui, c’est vrai ! répondrai-je alors ; aussi, camarades, il faut que chacun ait son tour ; il nous a envoyés promener, donnons-lui de l’air. Vous allez aller dormir, je lui ouvrirai la porte, vous ne verrez rien, et il s’en ira. C’est votre caporal qui vous l’ordonne. Allez vous coucher. »

– Et tu crois qu’ils dormiront ?

– C’est-à-dire qu’ils se mettront les poings dans les yeux, et les pouces dans les oreilles ; je les connais. Cinq minutes après, nous filerons comme des perdreaux par les champs. Que pensez-vous du projet ?

– Il est charmant ; j’y vois seulement une difficulté.

– Laquelle ?

– C’est qu’il ne me plaît pas de m’échapper.

Ce fut au tour du caporal de sauter sur sa chaise.

– Il ne vous plaît pas ?… Allons, vous plaisantez !

– Non, je parle sérieusement ; c’est mon idée.

– Eh bien ! chacun la sienne ; il vous convient de rester, il me convient d’ouvrir la porte.

– Alors, tu partiras seul.

– Point, j’attendrai.

– Mais on t’arrêtera au point du jour.

– J’y compte bien.

– Et on te fusillera.

– Je le pense aussi.

– Va-t’en au diable !

– J’aime mieux rester.

Belle-Rose se leva et fit quelques tours dans la prison à grands pas. La Déroute, renversé sur sa chaise, jouait