Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/154

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– Prends donc cette lettre et porte-la tout de suite à M. de Nancrais. S’il n’était pas chez lui, cherche-le jusqu’à ce que tu l’aies trouvé, et ne reviens pas sans la lui avoir remise en mains propres.

– C’est donc pressé ?

– Un peu. Il y va de la vie d’un homme.

– Je cours.

M. de Nancrais, tout entier à la douleur que lui causait la mort de son frère, avait donné l’ordre qu’on ne le dérangeât point ; mais au nom de Belle-Rose il fit introduire le sapeur et prit la lettre. Elle ne contenait que ces lignes :


« Capitaine, si vous n’étiez pas M. de Nancrais, je ne vous dirais rien de ce qui s’est passé entre le caporal la Déroute et moi ; mais en vous confiant ce secret, je suis bien sûr qu’au lieu de le punir, vous empêcherez mon pauvre camarade de se perdre : la Déroute compte me faire évader cette nuit. J’ai vainement tenté de le dissuader, il persiste et s’expose à être fusillé pour me sauver. Je ne tiens plus à la vie, et quoi qu’il fasse, je suis résolu à subir mon sort, mais je ne veux pas le lui faire partager. C’est un honnête homme que je serais désespéré de voir mourir. Protégez-le contre lui-même.

« BELLE-ROSE. »


M. de Nancrais froissa la lettre.

– Va dire à Belle-Rose que je ferai ce qu’il demande, dit-il au sapeur qui tourna sur ses talons.

– C’est un vrai cœur de soldat ! s’écria M. de Nancrais quand il fut seul ; mon frère et lui, l’un après l’autre ! Il n’y a que les bons qui meurent !

Et le capitaine, exaspéré, brisa d’un coup de poing une petite table contre laquelle il s’appuyait.

Une heure après le retour du sapeur, Belle-Rose vit entrer le caporal la Déroute dans sa prison. Le pauvre caporal avait la mine effarée.

– Nous sommes trahis ! dit-il en tombant sur une chaise.