Aller au contenu

Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/156

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

– Si je le veux ! je n’osais pas vous le demander !

La Déroute sauta au cou de Belle-Rose et le tint longtemps serré entre ses bras.

– Et dire que je ne vous verrai plus ! s’écria-t-il en sanglotant.

– Si, là-haut ! dit Belle-Rose en montrant le ciel du doigt.

– C’est bien loin !

Un troisième coup de crosse cogna contre la porte. La Déroute y courut, l’ouvrit vivement et disparut. Il étouffait. Lorsque Belle-Rose n’entendit plus le bruit des pas cadencés de la petite escorte, il prit dans sa poche le pli de M. d’Assonville et en lut le contenu. C’était une sorte de testament par lequel le jeune capitaine instituait Belle-Rose l’exécuteur de ses dernières volontés en lui révélant l’existence d’un enfant qu’il avait eu de Mlle de La Noue avant qu’elle se fût mariée avec le duc de Châteaufort. Cet enfant avait disparu, et M. d’Assonville chargeait Belle-Rose de le réclamer, en lui remettant les divers papiers qui pouvaient l’aider dans ses recherches. Belle-Rose n’acheva pas cette lecture sans être obligé de l’interrompre dix fois. Des larmes brûlantes sillonnaient ses joues. Il sentait sa vie s’échapper par les blessures de son cœur. Le nom de Geneviève, ce nom plein d’horreur et d’enivrement, revenait sans cesse à ses lèvres mêlé à celui de M. d’Assonville, et pour échapper au désordre de ses pensées, le souvenir de Suzanne était le seul asile où son âme saignante pût se réfugier. Mais Suzanne aussi n’était-elle pas perdue pour lui ! C’était donc de toutes parts des espérances fauchées. Les fleurs de sa jeunesse s’étaient flétries à peine écloses, et dans sa courte vie, que des balles allaient sitôt finir, il ne voyait rien que douleurs funèbres et luttes stériles.

– Que la volonté de Dieu soit faite ! dit-il, et se jetant à genoux, il pria.

Quand les premières lueurs du jour éclairèrent les