Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/161

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– Mon père, pardonnez-moi mes fautes, lui dit le soldat en pliant les genoux.

Le prêtre leva les mains vers le ciel.

– Condamné par les hommes, je vous absous devant Dieu, dit-il ; vous avez souffert, allez en paix.

Et du doigt il traça le signe de la rédemption sur le front du patient. Puis le prêtre et le soldat s’embrassèrent. Belle-Rose portait encore les vêtements qui lui avaient été donnés par Mme de Châteaufort. Il ôta son justaucorps, qui était en drap de soie rouge avec des brandebourgs, et pria le prévôt de lui permettre d’en faire présent au geôlier ; quant à l’argent qu’il portait dans sa ceinture, il le lui remit pour être distribué aux soldats de garde.

– J’en excepte cinq louis, dit-il, que je destine aux fusiliers ; je leur dois bien quelque chose pour la peine.

Un lieutenant en grande tenue parut sur le seuil de la porte.

– Sergent Belle-Rose, en avant ! dit-il.

Vingt canonniers en tenue de campagne attendaient le condamné. Tous étaient mornes, et tous baissèrent les yeux au moment où Belle-Rose parut, accompagné du prêtre qui se tenait à sa droite. Le lieutenant lui-même paraissait ému et mâchait ses moustaches. Belle-Rose salua l’officier d’abord, puis les soldats, dont les rangs s’ouvrirent pour le recevoir. Le signal fut donné, et la troupe se mit en marche. Le sergent portait une veste de moire blanche à réseaux d’or qui serrait sa taille et rehaussait sa bonne mine ; sa tête était nue, et ses cheveux, qu’il avait très longs, flottaient en boucles autour de son cou. Une moitié de la compagnie était rangée en dehors de la caserne des canonniers, sous les ordres du premier lieutenant. Elle s’aligna et prit le chemin des remparts. Un silence profond régnait dans les rangs. De temps à autre, un soldat toussait et portait la main à ses yeux. Belle-Rose souriait à ses camarades. Les rues par où le cortège s’avançait étaient pleines de monde ;