Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/17

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– Oh ! le brave enfant ! s’écria l’étranger avec explosion.

Guillaume Grinedal ne dit rien, mais découvrant son front blanchi par les années, il leva les yeux vers le ciel et pria. Le gentilhomme regardait dans l’espace, la tête penchée en avant : on aurait dit que ses yeux étincelants voulaient percer la ténébreuse transparence de la nuit.

– Je le vois, mordieu ! je le vois ! Le cheval a des ailes et l’enfant est dessus.

Le gentilhomme saisit le bras du fauconnier.

– Ne le reconnaissez-vous pas ? dit-il.

Mais le fauconnier remerciait Dieu ; deux grosses larmes tremblaient au bord de ses paupières et ses lèvres agitées murmuraient une action de grâces. L’étranger retira sa main, et plein d’une religieuse émotion, souleva son chapeau. En quelques bonds le cheval arriva sur eux. L’enfant sauta sur la route, et tomba dans les bras du fauconnier.

– Mon père ! s’écria-t-il.

Le père, silencieux, le pressait sur son cœur.

– Mais, dit Guillaume Grinedal tout à coup, il y a du sang sur tes habits. Es-tu blessé ?

– Ce n’est rien, répondit Jacques, une balle a déchiré ma blouse, là, près de l’épaule, et m’a égratigné, je crois !

– Tu es un vaillant garçon, sur ma foi, dit le gentilhomme ; si jamais tu t’enrôles sous les drapeaux de Sa Majesté le roi Louis, vrai Dieu ! tu feras ton chemin. Çà, voyons, as-tu la valise ?

– La voilà sur la croupe du cheval.

– Pauvre Phœbus ! Tu l’as rudement mené, hein ? dit gaiement l’étranger en passant la main sur le cou du cheval.

Phœbus frotta ses naseaux écumants sur l’habit du gentilhomme, dressa l’oreille à la voix du maître, hennit et frappa du pied le sol.