Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/16

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– Votre fils est brave ? dit l’étranger brusquement au fauconnier.

– Honnête et brave comme l’acier.

– Il défendrait donc un dépôt confié à sa fidélité ?

– Ce n’est qu’un enfant, mais il se ferait tuer comme un homme.

– Alors j’ai peur pour votre fils, maître Guillaume.

Le père ne répondit pas, mais, aux rayons de la lune, l’étranger vit s’étendre la pâleur sur son front. Tous deux gardèrent le silence, les yeux attachés sur la ligne blanche du chemin qui se noyait dans un horizon vague et sans bornes. Les mystères de la nuit emplissaient l’espace de bruits confus, rapides, incertains. Guillaume Grinedal s’appuyait sur les bâtons d’une haie à claire-voie ; on entendait craquer le bois sous l’effort de ses mains. Le gentilhomme froissait les revers de son habit.

– Rien, rien encore ! murmurait-il. Oh ! je donnerais mille louis pour entendre le galop d’un cheval !

Comme il parlait, une détonation retentit dans l’éloignement, plus loin que le bois dont les ombres épaisses coupaient l’horizon. La haie se brisa sous la main du fauconnier, qui sauta sur la route.

– Un coup de fusil ! L’avez-vous entendu ? s’écria le gentilhomme.

– Je l’ai entendu, répondit Guillaume Grinedal, qui se jeta à plat ventre sur le chemin.

Deux autres détonations retentirent encore, mais le son venait de si loin, qu’il fallait l’oreille d’un père ou d’un proscrit pour les distinguer des mille bruits qui flottaient sous le ciel profond. Guillaume Grinedal écoutait l’oreille collée à la terre.

– Eh bien ? dit le gentilhomme.

– Rien… rien encore ! Le cœur me bat et les oreilles me tintent, dit le pauvre père. Ah ! oui, maintenant, un bruit sourd, saccadé, continu ! Il approche… c’est le galop d’un cheval !