Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/181

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– Tu en étais donc ?

– Ma foi, étant par là, j’avais tout vu, et je suis allé où allait mon capitaine. M. de Nancrais semblait un lion. Sans chapeau, l’habit déchiré en vingt endroits, poussant son cheval là où la mêlée était le plus épaisse, il avait brisé son épée dans le ventre d’un soldat, et, armé d’un sabre, il frappait toujours, criant : Vive le roi ! entre chaque coup. Chaque fois que le sabre s’abaissait on voyait disparaître un homme. Épouvantés, les Espagnols rompirent leurs rangs. Les canons étaient à nous, et quand il ne resta plus que leurs morts dans la place, on arbora le drapeau blanc tout au haut de la redoute. Tout compte fait, nous avions perdu trente hommes, sans compter les blessés ; mais nous avions le village et la redoute.

– C’est un beau fait d’armes ! s’écria Belle-Rose enthousiasmé.

– C’est très beau, sans doute, mais c’était très embarrassant aussi, comme vous l’allez voir. Nous avions oublié la discipline, il a bien fallu se la rappeler après. Quand nous fûmes maîtres de l’endroit, encore tout animés par l’ardeur du combat, M. de Nancrais fit ranger les officiers autour de lui. – Messieurs, leur dit-il, nous avons commis une faute ; elle est grave. C’est à moi qu’il appartient, comme au plus coupable… – Nous le sommes tous ! crièrent ces braves gentilshommes. – Alors, comme au plus ancien d’entre vous, reprit le capitaine, il m’appartient de rendre compte à M. le duc de Luxembourg de ce qui vient de se passer. – On voulu répliquer, mais il imposa silence du geste. – Le premier coupable est mort. C’est moi, messieurs, que vous avez suivi, dit-il. – M. de Nancrais distribua les soldats du Nivernais dans les différents postes, jeta son sabre tout ébréché, et prit fort tranquillement le chemin du quartier général. Il y a une heure qu’il y est arrivé, et il n’est sorti de l’habitation du général que pour aller en prison.