du jour, dit l’un, je chargerais volontiers cette canaille ! – Mordieu ! dit un autre, mieux vaut que je m’en aille, ma main a trop envie de caresser la garde de mon épée. – Ma foi, je pars, ajoute un troisième. – Et voilà quatre ou cinq officiers qui tournent bride pour ne pas mettre la main aux pistolets. M. de Nancrais ne disait rien, mais il tortillait ses moustaches l’œil fixé sur les Espagnols, qui s’amusaient à mettre le feu au clocher. Tout à coup un cornette de dragons, venu tout droit de la cour au camp, tire son épée. – Au diable les ordres ! s’écrie-t-il ; il ne sera pas dit qu’un officier du roi aura vu brûler le drapeau du roi sans mettre l’épée au vent. – Il pique des deux et part. On s’arrête. – Le laisserons-nous sans défense, messieurs ? s’écrie à son tour M. de Nancrais, qui poussait son cheval vers le hameau. – On le suit tout doucement. La discipline voulait qu’on reculât, la colère et l’ardeur conduisaient la troupe sur les pas de l’officier. – Mordieu ! on le tue, reprend le capitaine, en avant et vive le roi ! – Il enfonce les éperons dans le ventre de son cheval et s’élance au galop. Chacun le suit. Le pauvre cornette était à moitié mort ; sept ou huit cavaliers l’entouraient, et comme on se précipitait à son secours, il tomba sous les pieds des chevaux, la tête fendue d’un coup de sabre. Les officiers, furieux, chargent les Espagnols, en tuent une douzaine et dispersent le reste. Entraînés par leur courage, M. de Nancrais et ses camarades se jettent à leur poursuite, l’épée dans les reins, frappant et blessant à tort et à travers tous ces fuyards qui les prennent pour des diables. Une compagnie du régiment de Nivernais, qui revenait de la manœuvre, reconnaît l’uniforme du corps, et comprenant à quel péril ses officiers seront exposés de l’autre côté de la Piélou, la passe avec eux, et, tambour battant, on arrive à Gosselies, d’où les maraudeurs étaient sortis. C’est une bonne position militaire ; l’ennemi y avait mis du canon et cinq ou six cents hommes, mais rien ne nous résiste.
Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/180
Apparence