Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/185

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– C’est la première fois que M. de Nancrais a vaincu sans ordre.

– Ce sera la dernière aussi.

– Monseigneur !

– Il faut un exemple. Dans un temps où de la cour nous viennent cent jeunes officiers qui n’ont pas l’habitude de la guerre, tolérer une si grande infraction aux lois militaires, ce serait en autoriser trente. M. de Nancrais mourra.

– De grâce, monsieur le duc, écoutez-moi !

– Eh ! monsieur, qui êtes-vous donc pour montrer tant de persistance ?

– Belle-Rose, lieutenant au corps d’artillerie.

– Belle-Rose ! c’est là un singulier nom ! Belle-Rose !

– Le nom ne fait rien à l’affaire.

– Sans doute, reprit le général, qui ne put s’empêcher de sourire ; mais encore êtes-vous son frère, son parent, son ami ?

– M. de Nancrais est mon capitaine.

– C’est une paire d’épaulettes à gagner !

– Oh ! monseigneur ! fit Belle-Rose avec un accent de reproche.

– Eh bien ! quoi ? À la guerre, c’est la coutume : chacun pour soi et les boulets pour tous.

– Mais…

– Assez ! j’ai bien voulu vous entendre, monsieur, et oublier, pour un instant, l’infraction sévère que vous avez commise en forçant la consigne qui défendait ma porte ; mais cette indulgence, dont vous ne me ferez pas repentir, je l’espère, n’est pas un motif pour pardonner la faute dont M. de Nancrais s’est rendu coupable. Je vous l’ai déjà dit : M. de Nancrais sera passé par les armes demain, au point du jour.

– Non, monseigneur, s’écria Belle-Rose hardiment, non, cela ne sera pas !

– Et qui donc ici pourrait m’en empêcher ?

– Vous-même !