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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/184

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Le général et le lieutenant se regardèrent une minute avant de parler. Si l’on avait pu lire dans le cœur de M. de Luxembourg, on y aurait peut-être vu passer les incertaines et fugitives lueurs d’un souvenir noyé dans les ombres d’une vie orageuse et mêlée. Quant à Belle-Rose, jamais, avant cette heure, il ne s’était trouvé, il le croyait du moins, en présence du fameux capitaine dont la renommée brillait d’un éclat radieux même entre les noms redoutables de Turenne et de Condé. Une crainte respectueuse saisit son âme, et son fier regard s’abaissa devant M. de Luxembourg, qu’il dominait cependant de toute la tête. Le vague souvenir du général s’effaça comme un éclair : il ne vit plus devant lui qu’un soldat téméraire qu’il fallait écouter d’abord et punir après.

– Que voulez-vous ? parlez, dit-il.

– Je viens implorer la grâce d’un coupable.

– Son nom ?

– M. de Nancrais.

– Le capitaine qui a battu aujourd’hui même les Espagnols et pris Gosselies ?

– Une belle action, monseigneur !

– Il n’y a pas de belle action contre la discipline !

– On brûlait le drapeau français sur le territoire du roi !

– Il y avait un ordre du jour, monsieur. Eût-on brûlé vingt drapeaux et saccagé cinquante villages, c’était le devoir du soldat de ne pas bouger !

– C’est une faute qu’a rachetée la victoire.

– Il ne s’agit pas de vaincre, il s’agit d’obéir. Si la voix des généraux est méconnue, que devient la discipline ? et sans discipline, il n’y a pas d’armée !